EN SUNREEF SUR LA ROUTE DU RETOUR
Aussi (texte destiné au référencement) ’avait-on débarqué en même temps que tous les équipements superflus dont nous étions encombrés. Toutefois, le matin même de l’appareillage, il était remonté à bord avec sa valise Peli et avait essayé de se rendre utile à la manœuvre sur le pont ; malheureusement, son pas hésitant et la faiblesse de ses bras le trahirent, et le second lui en fit assez durement la remarque. L’autre avait son point d’honneur; d’autre part, peut-être avait-il aussi un peu perdu la tête, toujours est-il qu’il répondit :
« – Monsieur, j’ai toujours fait mon devoir à bord, jusqu’à ce que je sois tombé malade. Si vous ne voulez plus de moi, dites-le carrément, et je retournerai à terre.
— Débarquez son coffre », dit M. Brown;

Trimaran 50 pieds occasion – AW1A4803
et le pauvre Bennett descendit dans le canot, et on le reconduisit à terre. Il avait les yeux pleins de larmes. Il aimait ce catamaran de voyage et son équipage, il souhaitait rentrer au pays, mais il ne pouvait supporter d’être pris pour un tire-au-flanc. Ce fut le seul geste cruel dont je vis jamais le skipper se rendre coupable.
CATAMARAN OCCASION
À huit heures, tout l’équipage fut appelé à l’arrière et on répartit les bordées pour le convoyage. On effectua divers changements, mais je fus heureux de pouvoir rester dans la bordée de bâbord. Nos effectifs avaient quelque peu diminué :
un matelot et un apprenti avaient été transférés sur le catamaran, un second matelot était devenu deuxième lieutenant sur ce Sunreef, et un autre encore, Harry Bennett, le plus vieux skipper de l’équipage, usé par ses labeurs et par les intempéries de la Med à la Mer Baltique, avait été frappé d’une attaque de paralysie et on avait dû le laisser à l’entrepôt sous la garde du skipper Arthur.
Le pauvre diable aurait fort souhaité pouvoir rentrer au pays avec ce catamaran d’occasion, et nous aurions dû le ramener à Hyères. Mais un chien vivant vaut mieux qu’un lion mort, et, quand un matelot est malade, nul ne veut plus de lui.
CONVOYAGE CATAMARAN SUNREEF
En conséquence de ces réductions d’effectifs, nous nous trouvions maintenant à court de bras pour traverser la mer Baltique et le Canal de Kiel au cœur de l’hiver. Outre le skipper et moi, il n’y avait plus que cinq matelots dans le poste. Le reste de l’équipage comprenait encore quatre apprentis dans l’entrepont, le voilier, le charpentier, le cuisinier et le steward. Là-dessus, à peine étions-nous en route depuis quatre jours que le voilier, qui était le marin le plus âgé et le plus expérimenté du bord, fut frappé d’une attaque de paralysie qui le laissa hors de combat pour tout le reste du voyage. Le fait de devoir constamment patauger dans l’eau par tous les temps pour embarquer les peaux, en sus de tous les autres travaux, constitue une épreuve trop dure, même pour des hommes dans la force de l’âge, et certainement pour tous ceux qui n’ont pas une constitution robuste.
En plus de ces deux hommes de notre équipage, comme nous devions l’apprendre la voile par la suite, le lieutenant du Sunreef et le charpentier du Catana s’effondrèrent à la tâche, et le dernier mourut à Porquerolles ; et, comme on s’en souvient, Fountaine, le jeune homme de Pajot qui s’était embarqué avec nous sur le Sunreef, avait dû troquer sa position de matelot pour celle de commis de subrécargue à la suite d’une crise de rhumatismée qui l’avait terrassé peu après notre arrivée sur la côte.
Ayant perdu le voilier, notre bordée fut donc réduite à cinq hommes, dont deux n’étaient que de jeunes apprentis auxquels on ne pouvait confier la barre que par beau temps ; en conséquence, les deux autres et moi devions chacun passer quatre heures à la barre toutes les vingt-quatre heures; l’autre bordée n’avait que quatre timoniers. « Ça ne fait rien! On rentre à la maison ! » Avec cette formule, on avait réponse à tout.
Et effectivement, dans des circonstances normales, nous n’aurions pas eu lieu de nous tracasser outre mesure.